9 février 2009
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Improvisation
Jean-Philippe Drécourt
Jean-Philippe Drécourt
J’enfonce une touche. Une note naît. Une autre pression sur le clavier, une nouvelle note se joint à la farandole. Les souvenirs se battent pour s’exprimer au travers de mes mains. De toute la musique que j’ai apprise et répétée jusqu’à écœurement, jusqu’à ce que mon cerveau abdique et sublime la souffrance pour la transformer en extase, de tout ce chaos émerge une mélodie unique et inimitable.
Je transpire, mes muscles se contractent comme sous l’effet d’un poison violent. Mais je ne peux échapper aux impulsions qui parcourent mes nerfs. Je deviens l’instrument d’une civilisation séquentielle, éphémère, mais dont chaque note citoyenne connaît sa place exacte et le moment où elle doit se retirer et retourner au néant, satisfaite d’avoir accompli sa mission.
Derrière mon piano, je contemple le passage du temps. Je visite, émerveillé, le paysage acoustique qui se dessine sous mes doigts. Libéré de la conscience de l’action, j’assiste à la construction de ces monuments sonores. Et tel le moine bouddhiste, j’abandonne sans regret l’édifice mélodique qui se dissout comme une peinture de sable emportée par le vent.
Seul reste le souvenir de la réalité sculptée par les vibrations. Mes mains quittent à regret le clavier. Je reprends le contrôle de leur mouvement. Je me lève et salue. Je troque la clarté torride de la scène contre une rue frileuse et sombre. La pluie sur mon visage révèle ma fatigue et la futilité de ma vie. Mais je sais que demain je travaillerai mes gammes avec un acharnement ressuscité. Je répéterai pendant des heures, des jours, des mois, pour ces quelques minutes d’état divin.
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