Catherine
Louis-Euphème Tinturier, Marie-Catherine Daniel
Jusqu’à ses 14 ans, Tante Catherine avait poussé en saine et forte fille. Le minois rondouillard et franc, l’humeur serviable et gaie, elle débordait d’allant. Dure à la tache, pieuse, toujours proprette, lui trouver un maître n’avait guère posé problème. Soeur Anaïs de l’Hôpital, sollicitée par Grand-Père, avait non seulement prêté sa sagacité à l’affaire mais aussi, une fois le choix arrêté, effectué elle-même la présentation à monsieur Lemarchand. En moins d’une heure, le serrurier, dont la femme venait de mettre au monde leur quatrième enfant, avait envisagé puis accepté l’embauche. A l’aube du lendemain, pour la première fois, Catherine avait noué le tablier à fines rayures des domestiques. (Identique à celui qu’elle porte encore maintenant, si ce n’est hélas que la longueur en a été beaucoup raccourcie.)
Quelques semaines suffirent à la nouvelle servante pour s’intégrer à la maisonnée Lemarchand. Le travail ne s’y arrêtait que pour les vêpres mais le maître régnait avec bonhomie et Julie Mercier, la vieille bonne, avait immédiatement pris la jeune fille sous son aile.
L’accident survint le 18 juillet 1824.
Les deux domestiques avaient entrepris de monter au grenier des sacs de blé de 100 kg. Au second voyage, la vieille femme trébucha. Elle en fut quitte pour une cheville foulée. Catherine, elle, dégringola l’escalier en même temps que sa charge, et s’y cassa les reins.
Je n’ai pas connu Tante Catherine autrement que toute petite, maigrelette et difforme. Pourtant, je n’ai aucun mal à voir en elle la bonne fille sérieuse et gaie que mon père m’a souvent racontée. Elle n’évoque jamais sa jeunesse et seul son tablier témoigne qu’il lui en reste quelques regrets. Elle est devenue couturière et chante du matin au soir pour se donner coeur à l’ouvrage.
Petite histoire :
Louis-Euphème Tinturier (1861-1929) « aimait bien » sa grand’tante Catherine (certainement 1810-1880). Il en a relaté la vie dans une lettre à son fils, Pierre, datée du 1er juillet 1919. Cette lettre m’inspire beaucoup et ce petit texte est un premier essai de construction d’un personnage à partir de la Catherine qui a vraiment existé.
Petit cadeau pour ceux qui comme moi s’émeuvent d’une vieille lettre ou d’un portait, je n’ai pas de photo de Catherine, mais j’en ai une de mon « co-auteur » :