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  • : 'zine littéraire - Lecture (sur le web)- Ecriture - Auteurs et textes en tout genre et pour tout genre (humains, enfants, poètes, loups, babouks...)
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4 juin 2008 3 04 /06 /juin /2008 09:28


L'anniversaire


Nous sommes attablés depuis bientôt deux minutes. Kevin avale goulûment ses spaghettis à la bolognaise. C’est le moment de la question annuelle :

- Kevin, que veux-tu pour ton anniversaire demain ?

Il relève la tête. Interrompu en pleine activité masticatoire, il ne pense évidemment pas à refermer la bouche. Une bouillie sanglante menace de déborder la limace molle qui lui sert de lèvre inférieure, une pâte qui s’échappe de la commissure droite s’égoutte sur le torchon qu’il s’est noué autour du cou. Son air ravi puis son désarroi quand il réalise qu’il doit trouver une réponse, je les connais par coeur. Ils m’écoeurent.

Cependant je patiente, c’est mon rôle de mère et je m’y tiens.

Enfin son regard s’illumine - si tant est qu’il peut le faire...

- Je voudrais qu’on aille manger tous les deux à la pizzeria. Dis Maman, dis oui !

Voilà, comme d’habitude, les idées, il ne les cherche pas bien loin. L’an dernier, pour la question annuelle, j’avais préparé un chop-suey :  j’avais envie d’un restau chinois.

Tout compte fait je suis sotte de lui préférer sa soeur : elle, pour ses dix-huit ans avait exigé le permis !

 

 

Petite histoire : Ce texte est le résultat d'un exercice proposé dans le forum d'écriture de Cocyclics (la Mare aux Nénuphars).  La consigne était : "Décrire un personnage masculin particulièrement niais en maximum 2000 caractères espaces comprises "

 

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1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 11:00

REGARDS D'UNE TOURISTE A MAURICE


1 200 000 êtres humains


 

 

 



 

 

Autant de chiens ?

 

 

 











D'étonnantes racines




...aériennes


... ou terrestres
















Du vent...



des bains


 

D'étranges conduites




Shiva et Lakshmi


 















De la canne ...

 



 

... et du thé

















Une fois de plus c'est passé trop vite


 

 




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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 08:38

Si on l'appelait la ville

Michel Vanstaen

Me voilà donc plongé dans les archives. J’ai pensé que comme début, cela en valait bien un autre. Seulement l’ampleur de la tâche me laisse quelque part par là. Il me faut une stratégie de recherche. La corrélation entre la montée de la population, le tissu socio-culturo-pastoujoursbo-économique, et toutes les choses qui se produisent surtout quand on n’a pas besoin d’elles, va me servir de base de départ.
Quelques semaines plus tard, une idée assez précise de la situation a fini par voir le jour. C’est très simple : j’y comprends rien ! Non pas que je patauge. Disons que j’ai la sensation de nager à reculons. Bien que pour remonter le temps, la méthode peut faire ses preuves.
 Rien d’exceptionnel n’était sorti de ces milliers de documents, numériques ou pas, poussiéreux ou pas, triés ou pas, ou pas, ou pas, ou pas. Rien de rien de pas grand-chose. Un simple aperçu de ce que je perçois comme la partie visible, soupçonnant que l’invisible en rigole encore.
En vérité, la ville avait évolué de bric et de broc au gré des fluctuations économiques, suivant une courbe que rien n’avait fait dévier d’une bonne vieille courbe ascendante. Toute l’infrastructure, les communications, les « télé » du même nom s’étaient mises au diapason avec plus ou moins de réussite. Les politiques semblaient avoir toujours été les dénominateurs communs des changements majeurs. Rien de surprenant. L’évolution avec un é comme évolution.
Pourtant, je reste sur ma faim, l’impression au ventre de tourner en rond dans la normalité la plus absolue.
Je sens qu’une décision s’impose. Entre deux cafés, la nature de celle-ci me saute aux yeux. Je dois y aller de moi-même, arpenter la ville, la toucher, la respirer, devenir une sorte de confident intime. Je dois explorer, voir comme la première fois, disparaître pour mieux ressentir les émotions. Du coup, je me sens une énergie nouvelle. Par où commencer ? Noyé sous le trop plein de l’exaltation, je manque partir au feeling, là où mes pieds me mèneraient. J’eus beau attendre, rien ne bougea. Ce fut un espoir fou. Le vieil adage ne dit-il pas « que sans la tête, les pieds, c’est pas le pied ! » ?
Le centre historique sera ma première destination. Ville crucifiée dans la ville, elle en fut l’instigatrice autant que la mémoire. Du contact velouté de ces vieilles pierres, j’attends peut-être l’illumination, ou du moins une piste.
De train en voiture, de métro aérien en souterrain métro, je me heurte à ce panneau sculpté dans le granit : « Ici, tout commença. Voyageur, imprègne-toi de mille siècles de vent et de soleil ». Justement, jamais rappel publicitaire ne m’avait aussi bien collé à la peau. Je m’imprègne ! Je m’imprègne ! Je m’imprègne !
Je marche la tête collée à la lucarne de mes espoirs. J’arpente des voies, des ruelles, j’essaie de ne penser à rien, de me laisser pénétrer par tout ce qui accepte mon hospitalité. Je croise des monuments, de toutes formes, de toutes époques ; églises, temples, ruines, je feuillette un immense ouvrage dont chaque page est recouvert du scintillement de centaines de milliers de grains de temps. Je regarde les maisons, ateliers et autres ; les toits usés et tarabiscotés semblent en échange permanent avec les cieux. Je participe à des visites organisées, mais le plus souvent, moyennant finance, je suis lâché seul dans tel ou tel endroit. Je ne sens plus mes jambes, mes pieds font corps avec les pavés, tous mes sens sont en activité permanente, la tête ne gérant plus rien, se contentant de ressentir.
Le jour commence à décliner. Je tourne un coin de rue pour me retrouver nez à mur avec un bâtiment qui, à première vue, n’a rien d’extraordinaire, mais qui me stoppe net. Va savoir pourquoi ! Il y a des messages qui n’ont rien mais qui se suffisent à eux-mêmes. Une ouverture légèrement de guingois, un peu sur ma droite ; une porte à peine entr’ouverte, que seule ma position permet de remarquer, et me voici à l’intérieur.
Une cour de petites dimensions s’ouvre sur trois portes. Curieusement, je choisis celle de droite sans même me poser la question ; la fatigue d’une journée de marche. La pénombre me surprend. Quelques secondes d’adaptation et je m’imagine dans un autre espace. Nul bruit, nul odeur, rien de l’extérieur n’a pénétré ses murs depuis,…, va savoir ! Je me sens, comment dire, reposé, physiquement et moralement. Ici, les miasmes du réel côtoient les ombres de l’intangible. Dois-je avoir peur ? Et pourquoi est-ce que je me pose cette question ? Sans doute pour l’évacuer et être plus réceptif ? Ce que je ressens est un curieux mélange de sérénité inavouée, de curiosité, et d’une sensation étrange de ne pas être seul, mais pas au sens physique du terme. Je ne peux empêcher mes mains de toucher les murs, comme un trait d’union entre ce présent et un autre, enchâssé dans les illusions du passé.
Brusquement, je me retrouve dans la rue, sans la moindre conscience du chemin parcouru. Je suis ébranlé, sans vraiment me l’avouer. Il me faut un moment pour vérifier si, de la tête aux pieds, je suis au complet. Et surtout pour retrouver ma route, la même qu’à l’aller ; alors pourquoi ce paradoxe ?
Ma chambre d’hôtel me semble d’un coup tellement reposante. Je m’allonge, les yeux paralysés dans l’encadrement de la fenêtre. Le sommeil s’insinue par tous les pores de mon corps. Un dernier éclair pour me demander quelle heure il peut bien être, me penser que je m’en fous. Et à la ligne.

***

Je sillonne la ville de sous-ville en sous-ville, de quartier en quartier, de place en parvis, de boulevard en ruelle, de tout, de rien, d’ici, de là, de nuit, de jour, de frimas en soleil, éveillé, endormi, ivre (ce qui dénote quel soin j’apporte à appréhender le problème sous tous ses aspects). Je suis crevé. Aucun moyen de transport n’a de secret pour moi. J’ai l’impression d’être le double cartographié de toutes ses étendues parcourues. J’ai vu tellement. J’ai écouté tellement. Je me suis immergé dans les moindres couches de la société (Est-ce décent de traiter les gens de couches ?).
Et je me retrouve chez moi, après je ne sais plus combien de mois d’errances. La logique aimerait que je me lance de suite dans un condensé de mes réflexions avec conclusion à la clé. Je n’ai qu’une envie. Ne plus voir les rues bouger, les maisons s’effacer, les si passer là, les ici n’en plus être l’instant d’après. Arrêtez de bouger. Stop !!!
Je sais pertinemment que je dois laisser reposer jusqu’à la moindre parcelle emmagasinée, n’en retirer que la manne. Après, on verra !

***

Je passe le plus clair de mon temps à dormir ou ne rien faire. Pourtant, je sens être dans la partie la plus concrète de mes investigations. Je travaille sous la partie immergée de l’iceberg. Pas que je le veuille. Seulement, cela s’est mis en place tout seul, le feeling, ou je ne sais quoi.
Ma chambre est lumineuse, calme et intime. Je m’y sens en retrait de moi-même, serein. Pourtant, c’est là, dans ce lieu magique, que ma vie allait prendre ce que l’on appelle un tournant ( ?).
Curieusement, ce soir, allongé tranquille, me reviennent en mémoire la plupart de mes pérégrinations. Un lien sous-jacent est en gestation. Je suis, plus que jamais, conscient de ne pas mener la danse, de n’être que le passage, choisi par je ne sais quoi, pour en penser tout autant.
Rien n’a de logique apparente, conclusion rapide de mon si long voyage. Mais l’apparat n’a d’existence que si l’on s’en contente ; pardon, que si l’on peut s’en contenter. Je me sens creuser, partir en introspection profonde. Des éléments à n’en plus espérer se mettent en transes dans les méandres de mon cerveau. Population, adéquation, économie, historique, autoroutes, climats, maladies, naissances, superficie, politique, résultats, peut-être, parce que, pourquoi ? Et bien d’autres, venus rien que pour le plaisir.
Et, d’un coup, tout prend fin, le monde peut re-respirer normalement. J’ai ma réponse. Elle ne me fait aucun effet, à peine un peu de dépit. Mais comme on dit au royaume des dépeuplés, c’est la vie ! En fin de compte, c’est impossible. Que la population se soit stabilisée, soit. Mais toutes les théories, du possible au politique, ne tiennent pas la route. La population s’est stabilisée, point. C’est la ministre qui va être ravie. Mais, désolé, c’est une réponse comme une autre.
Je ferme les yeux, quelque part satisfait que ce soit fini. Je plonge, quelques lueurs se profilent encore à l’horizon. Cependant, il me reste un manque. Oh, infime.
 Pourquoi ?

 Et l’idée s’impose d’ELLE-MÊME !  

Paralysé, mon corps n’est plus qu’un tremblement. Froid ! Froid ! Froid ! La terreur doit ressembler à un paradis comparé à ce flash d’ultime compréhension. Je ne trouve plus ma respiration. Je m’en fous. Je viens de découvrir infiniment plus effrayant. Je tente de remuer un doigt, histoire de quoi ? J’en sais rien. Faire, n’importe quoi pour ne pas sombrer. Heureusement, je sombre.
Je me réveille au sortir de la douche, non, je ne suis trempé que de sueur. Je reprends ma vocation de pèlerin, repart en quête, mais ce coup-ci avec une réponse en poche et une envie de vomir en permanence. Je dois savoir. Car si cela s’avère, je suis plus que concerné. Saleté de mission ! Saleté de ministre ! Saleté de ville !

***

C’est avec une barbe de plus de vingt jours, lavé depuis peu, mais par accident, que je me présente à l’adresse que la ministre m’a communiquée. C’est elle-même qui m’accueille. Les cheveux défaits, vêtu d’un jean et d’une chemise délavée, elle ne fait plus trop membre du gouvernement, mais m’en apparaît nettement plus sympathique, et surtout nettement plus inquiétante, car son regard et toute son apparence me disent que l’on va causer vrai. Et toutes mes craintes de revenir au galop (désolé mes craintes sont quadrupèdes) !
Je la suis sur une terrasse qui offre un panorama somptueux sur cette … de ville. Nous nous installons dans des fauteuils que mon pauvre dos remercie encore. Mon ambiance intérieure n’est pas à la hausse mais je fais avec. Aucun mot n’a été échangé que je me retrouve avec ma boisson préférée dans les mains.
_ Alors, me fait-elle, on est bel et bien dans la merde ?
Cela ne fait plus du tout politique, mais çà me refout salement la trouille.
_ Oui, …et je crois bien, cent fois oui ! me « contente-je » de répondre.
_ Racontez-moi.

***

C’est vers le cinquième verre que je termine mon récit.
Son regard semble perdu dans les derniers instants du jour.
_ J’ai également, à quelques variantes près, suivi le même parcours que vous. Depuis ce bâtiment dans le centre historique jusqu’au processus mental qui nous a conduits jusqu’ici. Croyez-vous que l’on en ait encore pour longtemps ?
 A peine surpris qu’elle ait parcouru le même itinéraire, je réfléchis deux secondes ; la question a le mérite de lever toutes les ambiguïtés.
_ A vrai dire, je n’en sais rien. Mais ce n’est pas son intérêt de laisser traîner. ….Que cela nous plaise ou pas.
En disant cela, j’avais lâché mes derniers espoirs.
J’avais abandonné également le décompte des verres.
Je la regarde dans les yeux, en espérant tout en n’en ayant rien à faire, que ce ne soit pas trop suppliant :
_ Pourquoi nous ?
_ Si je le savais ! Peut-être que nos barrières de l’imaginaire sont plus flexibles. A vrai dire, je n’en sais vraiment rien et ne me pose même plus la question.
_ Alors, comment est-ce que cela a pu arriver ? J’ai des fois l’impression d’être complètement timbré de penser çà.
_ Nous ne le sommes pas, je n’irai pas jusqu’à dire, si cela peut vous rassurer, mais le coeur y est. Je ne sais pas si l’on peut parler de conscience, ou simplement d’instinct, mais le fait est là, c’est elle qui gère. La population a commencé a stagné il y a environ 400 ans. C’est à ce moment que ses actes, à ses yeux, ou ce que vous voulez, nous sont devenus visibles. Sommes-nous les premiers ? Sans hypocrisie, aucun intérêt pour nous.
Je laisse passer un moment :
_ Au point où l’on en est, vous excuserez une question bête.
_ Aucun souci.
_ Où sont les pieds et où se trouve la tête ?
_ Partout !
Je ne peux retenir un regard autour de nous.
_ C’est du moins comme cela que je l’imagine, reprend-elle. C’est un tout. Je pense qu’il faut accepter un fait : nous sommes d’elle, à l’échelle microbienne sans doute, mais on est bien là.
_ D’accord, mais si on tentait de mettre les bouts, elle n’est quand même pas universelle ?
_ Non, mais il faudrait la traverser, sous terre, sur terre ou dans les airs. Et m’étonnerait qu’elle nous laisse faire.
_ Et si on hurlait la nouvelle sur… Non, désespérais-je encore, elle aurait vite fait de nous faire sombrer dans le ridicule, avant de s’occuper de nous plus personnellement.
J’ai beau être au fin fond du fond, je remarque que les bouteilles ne sont jamais vides. Sans doute un truc de ministre, que l’on apprend en travaux pratiques à l’école des ministres. Vu les circonstances, ce ne doit pas être le moment, mais je commence à en tenir une bonne. Par contre la ministre, soit elle boit peu, soit elle tient l’alcool comme pas deux, soit elle s’en fout.
Je reprends :
_ J’aimerais quand même comprendre comment elle fonctionne. Quand sait-elle qu’il faut agir ? Quels sont ses paramètres ? Et, nom de dieu, comment s’y prend- t-elle ? Et, avec nous, quelle sera sa façon de procéder ?
La boule sur l’estomac n’a rien à voir avec l’alcool. Mes regards se perdent sur tous les horizons à la recherche d’une menace éventuelle.
Elle me regarde sans rien dire, ses yeux ont la couleur de la peur.
_ Tous les scénarios sont possibles : accident de la route, chute d’immeuble, explosion de gaz, noyade, déraillement de train, incendie, j’en passe et des moins sympas. Mais je ne sais pourquoi, je la sens douée pour l’imagination. J’ai passé des nuits blanches à me le demander. Autant se torturer avec ça.
Elle me désigne le contenu de nos verres.
_ Et si c’était comme çà, confirmais-je, ivre mort jusqu’au bout.
_ Ce serait un moindre mal, effectivement.
La nuit a rempli l’espace depuis un bon moment. Les quelques étoiles visibles sont tellement froides. Et c’est à ce moment précis que je prends la signification complète de tout cela en pleine figure. Tranquillement assis à picoler, nous l’attendons ! Il faut que je me le répète. Nous l’attendons !
J’essaie de calmer ma respiration.
_ Je sais, dit-elle.  
Le silence retombe.
_ Il y a quand même deux choses que j’aimerais éclaircir, c’en est marrant à quel point la curiosité a la vie dure. C’est quoi ce bâtiment, là-bas ? Elle nous y a testé ou quoi ? Et pourquoi elle a jugé que son expansion devait s’arrêter à ce moment précis ? Elle aurait pu remplir toute la planète sans se poser de question.
Elle pose son énième verre, regarde ses pieds comme si cela devait arriver par là.
_ Et pourquoi pas l’âge du troisième matelot au fond à droite, me répond-elle en souriant.  Son sourire me fait du bien, j’avais déjà oublié que cela existe.
_ Ce foutu bâtiment ! Comme vous l’avez dit, elle nous y a testé, ou appelez ça comme vous voudrez. En tous cas, on n’y a pas été par hasard. C’est elle qui l’a voulu. Je pense qu’elle a su à ce moment précis, bien avant que nous ne nous en rendions compte nous-même. Et ça montre à quel point elle a pris de l’avance. Quant à savoir ce que c’est exactement, il faudrait la comprendre bien mieux. Et désolé, je pense que nous n’en aurons pas le temps.
Sa voix a chuté sur ses derniers mots. Une tension palpable a remplacé l’atmosphère vivifiante de la nuit.
_ Le pourquoi du comment ? Je n’ai que des suppositions. Je rêve d’avoir sa vision de sa situation, …pardon, de notre situation. Elle est la conscience d’une sorte de dieu que nous aurions créé, avant d’en perdre complètement le fil. Elle fait partie intégrante de son environnement, ressent son impact et inversement. Elle n’a pas évolué, ni au hasard, et encore moins selon notre volonté. Nous le croyons, mais quelle importance que le cafard ou la fourmi se prennent pour le centre de monde ? J’ai l’intime conviction que tout a débuté dès la première pierre. Je sais, cela paraît complètement absurde. Mais on ne parle plus d’esprit humain, ni d’humain tout court, on parle d’elle, d’autre chose, oserais-je dire de l’avenir de l’humanité, d’une évolution à laquelle personne n’aurait pensé. Je n’en sais rien, évidemment. Donnez-moi un verre, merci.
Un léger picotement me frôle la joue.
Elle boit d’un trait et reprend :
_ Vous vous rappelez ces histoires de monde-machine qui ont été en vogue pour la énième fois il y a quelques années ? Ce qui arrive s’en rapproche, sans en être évidemment la copie conforme, ni la caricature. Nous sommes à une époque charnière de son évolution. La population ne veut plus dire la ville, elles ne sont plus en adéquation. Nous sommes devenus inutiles. Elle continuera seule. Comment, vers où, pourquoi, sous quelle forme ? Mystère ! Peut-être qu’il y aura des survivants, qui vivront dans ce corps dangereux n’ayant plus rien à voir d’avec sa mission première. Leur vie sera celle de parasites, minuscules, insaisissables. A moins qu’elle n’accepte un petit nombre d’entre nous, en souvenir, histoire de se rappeler sa genèse.
 Un imperceptible mouvement de l’air ambiant lui coupe la parole. J’ai l’impression que mon équilibre m’échappe ; machinalement, je m’accroche aux bras du fauteuil. Cela ne dure que quelques secondes, le temps d’avoir un aperçu des portes dorées de l’enfer. Nos regards se croisent. La lourde machinerie s’est mise en marche. Je pense et ne pense plus à la fois, ça fait un effet des plus bizarres.
_ Un petit dernier pour la route ?  
Mais sa voix n’y est pas, elle crève de trouille, je crève de trouille, on crève, tout simplement. Ce n’est pas de la parade, simplement une signature au bas du « part chemin ». Nous, petits humains de service, larves autodidactes, créateurs de splendides merveilles comme de monstrueuses conneries, insignifiants à côté de ce que l’on a créé, géniaux imbéciles et tarés cosmiques. Nous, qui t’avons donné la vie sans le savoir, qui t’avons nourrie, bercée, nettoyée (si j’avais su, j’aurais pisser plus souvent sur tes murs), qui t’avons applaudie plus qu’à ton tour. Nous, les moins que tout, les sans racines, les adeptes de la petitesse, les faiseurs de miracles à rebrousse poils. Nous, qui avançons sans même savoir pourquoi, mais qui le faisons le coeur léger et l’envie de vomir aux lèvres. Nous, les pareils que les différents quand nous essayons de leur inculquer nos petits mensonges éphémères de petite vie sur voie de garage. Nous, les voyeurs de cieux étoilés au péril des brouillards les plus intenses. Nous ! Qui ? Nous ! Que, quoi, lequel ? Nous ! Les rompus de l’ennui, les balafrés de l’apocalypse, les exaltés de la vie, les repriseurs de vieux rêves, les signets de l’infini, les ineffables, les sans fables au doux breuvage du poète. Nous, qui nous fourvoyons pour mieux avancer. Nous, les peut-être, nous, les jamais, nous, le contraire des autres et le négatif des uns, nous !!!
Nous, si tu savais, toi qui arrives du fin fond de ton histoire, ensorcelée de cette vie nouvelle, toi qui ne cherche que la rupture, si tu savais !
Si tu savais ce que tu nous ennuies.
Elle me regarde et lève son verre :
_ A la ville !
_ A la ville !   


 

Petite histoire : Michel est l'un des habitants de l'Antre-Lire. Ce texte y est "à paraître" mais d'autres s'y trouvent déjà...

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 08:25

Si on l'appelait la ville

Michel Vanstaen


Je sors du cabinet de la ministre. Ce n’est pas que j’ai du mal à mettre un pied devant l’autre. En fait, je suis assis dans le métro. Par contre, j’ai un peu de mal à mettre un mot derrière l’autre, et le tout en pensée. J’ai accès à pratiquement tous les documents concernant la ville, toutes les portes doivent s’ouvrir à l’énoncé de mon nom (toutes, je demande à voir), les péages étant programmés pour m’ouvrir grand les bras. L’entrevue n’a guère duré. Simplement le temps a un fifre de donner ses instructions à un sous.
 (-fifre... pardon !).
 L’étrange pourtant est présent, tapi dans l’essence même de son ombre. Je passe bien cinq minutes à me demander quelles bonnes raisons pourraient pousser l’étrange à se configurer une ombre, faillis me dire des choses et choisis de revenir à mon nouveau travail.
La question a été simple, la ministre l’a posé en termes simples qui sous-entendent que la réponse ne le serait pas. Et me voici parti avec sous le bras cette bonne vieille question des familles qui n’aurait pu être que routine, mais que quelques regards placés sous quelques mots clés avaient rendue plus que mystérieuse.

La puissance du regard et ma première rencontre avec « une » membre du gouvernement m’auraient-elles troublé ? Non, et cela hurle là-dedans (« dans de moi »), non, je n’avais pas été le leurre de mes sens. Ce genre de certitude qui ne s’appuie sur rien de concret, mais que rien ne peut faire douter. Notre chère ministre m’avait dit entre les mots : « Va, trouve et discret pour la réponse ! ».
Notre ville compte 3 253 850 224 habitants et couvre les deux tiers de la planète habitable. Son développement s’est déroulé uniformément. Telle la fuite du robinet, la population fit tache et se répartit sur une superficie adéquate à la tache. Et ce durant un temps que l’on peut qualifier de « c’est pas demain qu’on verra le bout de la veille où çà a commencé ! ». Evidemment, ce genre de phénomène ne pouvait s’éterniser. Aussi, tous les gouvernements successifs s’attelèrent au boulot. Et victoire de la politique tonitruante. Ou miracle. Ou ce qu’on voudra. Un beau jour, la population se stabilisa. Inutile de dire que les gouvernants en place à ce moment ont vu leur avenir, …au moins, eux, ils l’ont vu.
Donc tout est pour le mieux dans le machin du truc quand survinrent ma ministre et son grain de sable spatio-temporel. En fait, pour elle, cela ne colle pas, cela ne peut pas être aussi simple. Quelques plans de procréation assistée dans le sens que l’on veut, et l’affaire est pliée. Non, pas à une telle échelle. Au plus une ville grandit, au plus  les paramètres qui la régissent se multiplient de façon exponentielle. Et plus les interactions deviennent insaisissables. Voilà résumé le point de vue ministériel. A moi de trouver la fin de la phrase : « le début étant ce qu’il y a de plus simple : Pourquoi ? ».


***

Me voilà donc plongé dans les archives. J’ai pensé que comme début, cela en valait bien un autre. Seulement l’ampleur de la tâche me laisse quelque part par là. Il me faut une stratégie de recherche. La corrélation entre la montée de la population, le tissu socio-culturo-pastoujoursbo-économique, et toutes les choses qui se produisent surtout quand on n’a pas besoin d’elles, va me servir de base de départ.
Quelques semaines plus tard, une idée assez précise de la situation a fini par voir le jour. C’est très simple : j’y comprends rien ! Non pas que je patauge. Disons que j’ai la sensation de nager à reculons. Bien que pour remonter le temps, la méthode peut faire ses preuves.
 Rien d’exceptionnel n’était sorti de ces milliers de documents, numériques ou pas, poussiéreux ou pas, triés ou pas, ou pas, ou pas, ou pas. Rien de rien de pas grand-chose. Un simple aperçu de ce que je perçois comme la partie visible, soupçonnant que l’invisible en rigole encore.
En vérité, la ville avait évolué de bric et de broc au gré des fluctuations économiques, suivant une courbe que rien n’avait fait dévier d’une bonne vieille courbe ascendante. Toute l’infrastructure, les communications, les « télé » du même nom s’étaient mises au diapason avec plus ou moins de réussite. Les politiques semblaient avoir toujours été les dénominateurs communs des changements majeurs. Rien de surprenant. L’évolution avec un é comme évolution.
Pourtant, je reste sur ma faim, l’impression au ventre de tourner en rond dans la normalité la plus absolue.
Je sens qu’une décision s’impose. Entre deux cafés, la nature de celle-ci me saute aux yeux. Je dois y aller de moi-même, arpenter la ville, la toucher, la respirer, devenir une sorte de confident intime. Je dois explorer, voir comme la première fois, disparaître pour mieux ressentir les émotions. Du coup, je me sens une énergie nouvelle. Par où commencer ? Noyé sous le trop plein de l’exaltation, je manque partir au feeling, là où mes pieds me mèneraient. J’eus beau attendre, rien ne bougea. Ce fut un espoir fou. Le vieil adage ne dit-il pas « que sans la tête, les pieds, c’est pas le pied ! » ?
Le centre historique sera ma première destination. Ville crucifiée dans la ville, elle en fut l’instigatrice autant que la mémoire. Du contact velouté de ces vieilles pierres, j’attends peut-être l’illumination, ou du moins une piste.
De train en voiture, de métro aérien en souterrain métro, je me heurte à ce panneau sculpté dans le granit : « Ici, tout commença. Voyageur, imprègne-toi de mille siècles de vent et de soleil ». Justement, jamais rappel publicitaire ne m’avait aussi bien collé à la peau. Je m’imprègne ! Je m’imprègne ! Je m’imprègne !
Je marche la tête collée à la lucarne de mes espoirs. J’arpente des voies, des ruelles, j’essaie de ne penser à rien, de me laisser pénétrer par tout ce qui accepte mon hospitalité. Je croise des monuments, de toutes formes, de toutes époques ; églises, temples, ruines, je feuillette un immense ouvrage dont chaque page est recouvert du scintillement de centaines de milliers de grains de temps. Je regarde les maisons, ateliers et autres ; les toits usés et tarabiscotés semblent en échange permanent avec les cieux. Je participe à des visites organisées, mais le plus souvent, moyennant finance, je suis lâché seul dans tel ou tel endroit. Je ne sens plus mes jambes, mes pieds font corps avec les pavés, tous mes sens sont en activité permanente, la tête ne gérant plus rien, se contentant de ressentir.
Le jour commence à décliner. Je tourne un coin de rue pour me retrouver nez à mur avec un bâtiment qui, à première vue, n’a rien d’extraordinaire, mais qui me stoppe net. Va savoir pourquoi ! Il y a des messages qui n’ont rien mais qui se suffisent à eux-mêmes. Une ouverture légèrement de guingois, un peu sur ma droite ; une porte à peine entr’ouverte, que seule ma position permet de remarquer, et me voici à l’intérieur.
Une cour de petites dimensions s’ouvre sur trois portes. Curieusement, je choisis celle de droite sans même me poser la question ; la fatigue d’une journée de marche. La pénombre me surprend. Quelques secondes d’adaptation et je m’imagine dans un autre espace. Nul bruit, nul odeur, rien de l’extérieur n’a pénétré ses murs depuis,…, va savoir ! Je me sens, comment dire, reposé, physiquement et moralement. Ici, les miasmes du réel côtoient les ombres de l’intangible. Dois-je avoir peur ? Et pourquoi est-ce que je me pose cette question ? Sans doute pour l’évacuer et être plus réceptif ? Ce que je ressens est un curieux mélange de sérénité inavouée, de curiosité, et d’une sensation étrange de ne pas être seul, mais pas au sens physique du terme. Je ne peux empêcher mes mains de toucher les murs, comme un trait d’union entre ce présent et un autre, enchâssé dans les illusions du passé.
Brusquement, je me retrouve dans la rue, sans la moindre conscience du chemin parcouru. Je suis ébranlé, sans vraiment me l’avouer. Il me faut un moment pour vérifier si, de la tête aux pieds, je suis au complet. Et surtout pour retrouver ma route, la même qu’à l’aller ; alors pourquoi ce paradoxe ?
Ma chambre d’hôtel me semble d’un coup tellement reposante. Je m’allonge, les yeux paralysés dans l’encadrement de la fenêtre. Le sommeil s’insinue par tous les pores de mon corps. Un dernier éclair pour me demander quelle heure il peut bien être, me penser que je m’en fous. Et à la ligne.


***

Je sillonne la ville de sous-ville en sous-ville, de quartier en quartier, de place en parvis, de boulevard en ruelle, de tout, de rien, d’ici, de là, de nuit, de jour, de frimas en soleil, éveillé, endormi, ivre (ce qui dénote quel soin j’apporte à appréhender le problème sous tous ses aspects). Je suis crevé. Aucun moyen de transport n’a de secret pour moi. J’ai l’impression d’être le double cartographié de toutes ses étendues parcourues. J’ai vu tellement. J’ai écouté tellement. Je me suis immergé dans les moindres couches de la société (Est-ce décent de traiter les gens de couches ?).
Et je me retrouve chez moi, après je ne sais plus combien de mois d’errances. La logique aimerait que je me lance de suite dans un condensé de mes réflexions avec conclusion à la clé. Je n’ai qu’une envie. Ne plus voir les rues bouger, les maisons s’effacer, les si passer là, les ici n’en plus être l’instant d’après. Arrêtez de bouger. Stop !!!

Je sais pertinemment que je dois laisser reposer jusqu’à la moindre parcelle emmagasinée, n’en retirer que la manne. Après, on verra !

 

 

(suite)

 



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26 mai 2008 1 26 /05 /mai /2008 08:30


Différent familial ?

 
La première fois que je suis montée chez Estelle, on m'a installée sur une chaise. Une belle chaise droite en bois acajou. La seule chaise ! Dehors, dans la cour entre l'habitation principale et la cuisine extérieure. Je vous dis pas le malaise !

Assise sur ma chaise, plus droite que son dossier, je trônais. C’était dimanche, jour de la famille. Toute celle d’Estelle a défilé me faire la bise. Je ne comprenais pas grand' chose au protocole : mioches et adultes se succédaient sans ordre apparent. Ils ne se présentaient pas. Ou juste le prénom. A moi de deviner qui était tante, grand-père ou cousin ? Certains me demandaient si ça allait. D'autres non. Je répondais poliment, plus guindée qu'un guidon.

Les réceptions c'est pas mon truc.

Je pensais qu'Estelle aurait dû me prévenir, m'expliquer. Au moins rester près de moi. Mais elle avait disparu dès mon arrivée. Pour elle, bien sûr, tout ça était évident.

Je l'ai cherchée désespérément des yeux. Introuvable.

Puis il n'y a plus eu personne à me saluer. J'étais seule. Raide sur mon ilôt-trône. A dix mille kilomètres de chez moi. Abandonnée. Ou presque : derrière moi, trois, disons des frères d'Estelle, s'occupaient à bricoler une moto. Ils parlaient vite entre eux. De moteurs sans doute. Pourtant je sentais, c'était palpable, qu'ils me jetaient des coups d'oeil intrigués. Certainement persuadés que je ne pouvais pas les comprendre, ils avaient cependant la politesse de ne pas parler de moi. Du moins, j'en étais presque sûre.

Immobile sur la chaise abhorrée, je n'avais aucune idée de ce que j'aurais dû faire. Je me suis donc abstenue. Déjà à moitié persuadée qu'au grand jamais, je ne comprendrais les coutumes créoles. Je me consolais en me disant que mon éducation ne le permettait pas. Après tout, dans ma campagne à moi, le protocole n'existe pas. Aller chez une copine, c'est pas si compliqué. On y va. On est accueilli dans la cuisine. On s'assoit à table. Et voilà tout est dit. Personne n'en fait un drame, quoi !

Estelle est enfin réapparue. Elle est sortie de la cuisine en portant une cafetière. Sa mère la suivait avec un plateau laqué noir chargé de trois verres fins décorés de volutes dorées, trois toutes petites cuillers, dorées elles aussi, et un sucrier de porcelaine blanche. Les verres, j'ai reconnu : c'étaient les mêmes que ceux de Mémé. Et visiblement, comme Mémé, on les sortait pour les grandes occasions. Sauf que pour Mémé, la grande occasion, c'était la visite annuelle de Monsieur le Curé. Quand il venait chercher le denier.

Me prenait-on pour un curé ? J'ai souri malgré moi. L'hystérie me guettait.

La mère d'Estelle m'a rendu mon sourire. Elle a articulé soigneusement, comme si j'étais sourde : "Voulez-vous du café ?".

C'est à ce moment-là que j'ai fait une croix sur mon intégration et ma curiosité ethnologique. Royale, j'ai répondu en articulant encore plus exagérément : "Bien volontiers, Madame. Pourrais-je avoir deux sucres ?".

Estelle m'a fixée, interloquée. Les mécanos, derrière, ont ricané. J'ai pas compris, sauf, très clair, un "zoreille" méprisant. La mère a regardé sa fille avec gêne. Et aussi de la tristesse. Estelle a froncé les sourcils. Elle a dit : "Tu connais pourtant : ici le sucre n'est pas en morceau !".

J'ai su qu'elle croyait, qu'en plus du ton condescendant, j'avais fait exprès de demander "deux sucres".

Et c'est là que le "zoreille" des frangins a fait tilt. Evidemment que pour eux, j'étais Monsieur le Curé. Et même plus étrange encore : une extraterrestre. Pas de protocole compliqué. Juste un essai d'inventer le mien. Pour me faire honneur.

J'ai ri. Franchement.

Je me suis levée de mon trône. J'ai pris la cafetière des mains d'Estelle. J'ai rempli les trois verres. J'ai dit : "Chez moi, ce sont les filles qui servent les mères." et j'ai tendu un café à mon hôtesse.

Elle a hésité, m'a regardée intensément, puis le plateau qu'elle tenait toujours à deux mains. Elle a ri, elle aussi, en posant le plateau sur la chaise et en acceptant le café.

Elle a terminé le service en ajoutant elle-même le sucre et en distribuant les cuillers.

Estelle m'a pris par le bras et a fait signe de l'autre - portant son verre - à sa mère : "Allons s'asseoir sur les marches devant la mer. C'est là qu'on boit le café."

Plus tard je leur ai raconté Mémé.


 

 

*zoreille : métropolitain(e)

 

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 06:58

Maëva (9 ans, donneuse de voix)



ECOUTER



Audiolivres présente de petites histoires drôles lues par Maëva :

lklklklklklk

Une souris enrhumée dit à son amie : "Ne t'approche pas, j'ai un chat dans la gorge."

lklklklklklk

Bébé kangourou demande à sa maman : "Dis-maman, je peux mettre un ver luisant dans ta poche ? Je voudrais lire un peu avant de dormir."

lklklklklklk

...

lklklklklklk

- Guillaume, dit la maîtresse, je t'ai dit qu'une antilope ne prenait pas deux "t" !
- Elle prendra bien un chocolat ?

lklklklklklk

...



Petite histoire : Audiolivres, site de l'association Ouïe-lire, produit des livres audio à destination des malvoyants et de tous ceux qui aiment écouter des romans, nouvelles, contes,... du domaine public ou avec autorisation de l'auteur. On peut télécharger gratuitement 1 fichier par jour - parmi une sélection du catalogue; ou bien, pour 20 euros annuel (le prix d'1 livre audio !), télécharger tout ce qu'on veut pendant 1 an. 
Ah, aussi : les donneurs de voix sont les très bienvenus... ;-)





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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 08:30

(auto-portrait)

Charles Baudelaire (1821-1867)


Oui, mon quatrain du dernier post se voulait un hommage à la poésie de Baudelaire. Bravo Daniel ! Et félicitations à Marie d'avoir trouvé trois des poèmes de référence.


Voici donc à quoi je pensais en composant  ma devinette :

Il est des rires d’enfants frais comme des hautbois (Correspondances)

Qui s’exhalent des phares en un ardent sanglot (Les Phares)

Bénissant le poète aveuglé et sans voix (Bénédiction)

Qui ploie sous son automne et rêve de tombeau (L'Ennemi)


Comme je suis toujours aussi incapable de vous parler intelligemment de mes amours de jeunesse, en partie parce que beaucoup d'autres l'ont déjà fait et bien fait, vous n'avez qu'à aller voir sur le net qui est Charles Baudelaire, si cela vous intéresse. Par exemple, en visitant le  site de Poésie sur la toile.


Pour ce billet,  je vous propose de (re)déguster Correspondances et L'Ennemi :

 


Correspondances


La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.


Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

– Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,


Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,

Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

 


L'Ennemi


Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,

Traversé çà et là par de brillants soleils;

Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,

Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.


Voilà que j'ai touché l'automne des idées,

Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux

Pour rassembler à neuf les terres inondées,

Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.


Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve

Trouveront dans ce sol lavé comme une grève

Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?


– O douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,

Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur

Du sang que nous perdons croît et se fortifie!


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16 mai 2008 5 16 /05 /mai /2008 09:40

A qui est dédié ce quatrain ?

 


Il est des rires d’enfants frais comme des hautbois

Qui s’exhalent des phares en un ardent sanglot

Bénissant le poète aveuglé et sans voix

Qui ploie sous son automne et rêve de tombeau


 

 

Pour corser l'affaire, chaque vers fait référence à un poème, lequel ?


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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 10:32



Nano et Rana


Marie-Catherine Daniel


Nano pleure. Il pleure à se fendre le cœur. Rana en a assez. Elle plante ses crocs dans la cuisse de son frère…qui hurle de plus belle ! Alors Rana se dresse et saisit Nano par la truffe. Doucement mais aussi fermement que Maman, elle force le louveteau à se coucher sur le dos. Nano se tait enfin. Sa sœur n’est pas aussi rassurante que les adultes mais si elle croit qu’elle peut les remplacer, il veut bien essayer.
« J’ai faim, gémit-il !
— Tu ne sais pas chasser, gronde Rana, méprisante.
— Toi non plus, répond Nano, vexé.
— Alors il faut trouver les parents !
— C’est impossible glapit Nano, dont l’angoisse revient. Ils sont partis pour toujours. Et si on sort, on mourra aussi ! »
La colère de Rana explose. Elle saute à la gorge de son frère. Cette fois-ci, Nano le sent, c’est pour de vrai ! Alors, sans réfléchir, il creuse frénétiquement un tunnel dans la substance blanche qui bouche l’entrée et s’élance dehors.
Dehors, le monde est lumineux. Blanc, noir, bleu, plein d’odeurs. Il embaume de fraîcheur, de saveurs délicates et passionnantes. Nano stoppe net, stupéfait. Le monde d’Hiver n’est pas comme celui d’Automne. Cependant, il n’a rien d’effrayant.
Rana le rejoint. Elle rit.
« Je t’ai fait peur, hein ? Et maintenant, on est dehors et tout va bien. »

Les louveteaux sont seuls depuis trois jours. Papa et Maman sont partis chasser mais, avant qu’ils ne reviennent, un cataclysme s’est déclenché. Une tempête de neige vient d’anéantir le monde qu’il connaissait. Le nouveau monde est beau mais Papa et Maman en font-ils partie ?

Pour l’instant, les louveteaux ont oublié leurs problèmes. Ils jouent à mordre la neige, à y creuser des trous, à se rouler dedans. C’est très amusant et ça étanche la soif.
Ils découvrent peu à peu des choses familières. Sous la neige, il y a l’herbe et la terre aux senteurs atténuées mais bien présentes. Ils reconnaissent malgré ses plaques de fourrure immaculée, le gros rocher où Papa aime à se prélasser. Et les arbres sont toujours là, même s’ils ont perdu toutes leurs feuilles mordorées.
Rana est la première à retrouver son calme. Elle hume longuement les fumets de la forêt. Nano lui mordille la mâchoire inférieure. Comme aucune odeur de loup adulte ne pénètre la truffe délicate, la soeur soulage une fois de plus son inquiétude en grondant après le frère. Le louveteau s’assoit sagement et attend.
Rana se décide : ils chercheront les parents le long du ruisseau. Comme ça, ils ne se perdront pas.
Elle démarre en jappant « Suis-moi ! ».

Ils n’ont pas couru cinq cent pas que le premier danger survient. C’est un renard. Nano et Rana en ont déjà vu un à la fin de l’été. Maman a eu vite fait de le chasser. Mais Maman n’est pas là et le fauve est bien plus gros que celui de la dernière fois. Surtout, il fait face. Nano en fait pipi de peur. Il se jette sur le dos, la queue repliée sur le ventre. Rana, elle, se hérisse. Ainsi, elle est plus grosse que son ennemi. Celui-ci sait que son expérience du combat est certainement suffisante pour compenser la différence de poids. Cependant, la détermination de la petite louve finit par le convaincre que sa faim n’est pas encore assez grande pour le vérifier. Il s’éloigne nonchalamment.
Nano a honte de son attitude. Pourtant Rana  ne grogne pas. Au contraire, elle lui lèche la face et lui explique :
« Ne te soumets qu’à un loup. Aucun autre ennemi ne t’accordera grâce. Tu dois fuir ou te défendre. Fais exactement comme moi et à nous deux, nous serons forts comme Papa. »
Nano, rasséréné, promet.

Plus loin, c’est lui qui découvre un oiseau mort. Il ne l’a pas senti parce qu’il est gelé mais un rayon de soleil a fait scintiller une plume bleue sous un buisson. Nano se jette sur la proie, son ventre tordu de désir. Il l’a déjà dans sa gueule quand brusquement il la recrache. La viande est pour Rana. Cela est juste même si la saveur sur sa langue lui fait dégouliner la bave jusqu’au menton. Et même s’il ne sait pas très bien pourquoi. Il appelle sa sœur. Qui engloutit l’oiseau en trois bouchées. Nano a préféré ne pas regarder. Et c’est comme ça, qu’il a vu un autre oiseau. Et encore un autre. Et encore un autre. Une bande de passereaux migrateurs s’est fait surprendre par l’hiver trop précoce. Ils sont morts de froid. Mais leur mort, c’est la vie pour Rana et Nano qui se régalent.
Ils reprennent la route, le ventre plein et le sourire au coin des babines.

Ils trottent longtemps. Nano imagine qu’il est Papa et sa fatigue recule. Il pense tellement au grand loup que ses pattes s’allongent, que sa queue se redresse, que son odeur se met à flotter autour de lui.
Son odeur ?
« Rana, aboie Nano, j’ai senti Papa ! »
L’odeur du loup bientôt doublée de celle de la louve s’enfonce dans la forêt. Puis un lourd et inquiétant fumet fait se hérisser les louveteaux du museau à la queue. En même temps, le vent leur apporte des bruits de colère. Ils se précipitent.

Au fond d’une combe, un monstre gigantesque accule Papa et Maman à l’entrée d’une grotte. D’énormes pattes, aux griffes interminables, essaient d’arracher leur tête. Les loups esquivent, cherchent à se glisser sous les battoirs enragés. Soudain Maman hurle de rage et de douleur : une griffe vient d’écorcher son crâne. Alors Rana déboule dans la combe et d’un seul élan saute à la nuque du monstre. Instinctivement, Nano dévale la pente à son tour et bondit. Hélas, l’ignoble bête s’est retournée et s’est dressée. C’est sur sa poitrine, entre les griffes impitoyables que le louveteau atterrit. Il se voit perdu ! Mais les adultes s’agrippent déjà cruellement à l’arrière-train et la bête retombe sur ses pattes. Son ventre frôle le museau de Nano... qui mord de toutes ses forces et relâche immédiatement. Il recommence. La troisième fois, ses mâchoires claquent dans le vide. La Bête vient de s’avouer vaincue : elle fuit.
Le louveteau la regarde disparaître derrière la crête de la combe. Il n’arrive pas à croire que c’est fini. Il en a encore la mâchoire qui pend. Quand il s’en rend compte et qu’il voit Papa trotter vers lui, il se sent tout bête et ferme vite la gueule. Mais le rire du grand loup n’a rien de moqueur. Bien au contraire, il est plein de remerciements et d’admiration.
Papa en un tour de langue lui nettoie le museau et lui exprime combien il l’aime.

Puis, s’asseyant bien droit, le chef de meute pointe sa truffe vers le ciel :
« Nano, Rana, à vous l’honneur ! »
Les louveteaux en tremblent de fierté. Pour la première fois, ce sont eux qui entonnent le Chant du Clan :
« HOUOUOUOUOUOUOUOUOUOU ! »



 

Petite histoire : "Nano et Rana" a été publiée dans le webzine  Plume à la main #4 de GabrielleTrompeLaMort en septembre 2007


Elle est aussi parue dans l'Antre-Lire (le site) en novembre 2007

 

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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 08:37

 Dieu !... Que les
murs sont froids tout au long des impasses
Où n’arrive jamais le
sourire du soleil.
Des silhouettes
brumeuses, incertaines, y passent et repassent,
Sorties du fond de mes
nuits sans sommeil.


Mais les yeux, derrière
les fenêtres,
Traversent les rideaux et
percent les secrets.
Les sinistres corbeaux
peuvent poster leurs lettres,
Les cris de la misère
n’atteignent pas les fées.


Des larmes de sang,
parfois, aux pointes des couteaux.
Des larmes de givre,
aussi, posées sur les berceaux.

Des pieds nus sur l’asphalte et des manteaux troués.


Dieu !... Que les murs sont froids au fond de ces ruelles.



Dans ces espaces gris,
même les cœurs se gèlent.

Dieu !...Mais
pourquoi : Dieu ? Puisqu’il n’est jamais là…

Janine Laval (poème et illustration)


Petite histoire : Janine est l'une des habitants de l'Antre-Lire. Ce texte y est "à paraître" mais d'autres s'y trouvent déjà...

Vous pouvez aussi aller admirer ses compositions visuelles ou poétique dans son Bric à Brac.



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